Une caméra pour les cartes de prédation

Observer la régulation naturelle de ravageurs par des auxiliaires de culture grâce à des cartes de prédation et à l’aide d’un smartphone

Caractériser et quantifier les régulations naturelles constitue un réel défi, tant les processus biologiques sont eux-mêmes difficiles à saisir instantanément.

L’exposition de cartes de prédation avec des proies sentinelles pendant quelques jours dans des parcelles agricoles (au sol ou dans la végétation) permet d’estimer une pression de prédation des proies présentées (par exemple des œufs, du krill de poisson, des pucerons, des graines d’adventices, …).

Mais de telles cartes ne permettent pas de savoir quelles espèces ou groupes fonctionnels (carabes, staphylins, fourmis, araignées, vers de terre, cloportes, mille-pattes, mollusques, …) ont réellement contribué à ce service de prédation, ni quel prédateur préfère quelles proies.

C’est pourquoi nous avons eu l’idée d’y associer une caméra afin de prendre des photos de la situation à des intervalles réguliers. Notre objectif a été de mettre en œuvre une méthodologie simple et accessible à des non-spécialistes.
Nous avons choisi d’utiliser des smartphones. Ces appareils possèdent des caméras de plus en plus puissantes. Les petits capteurs d’image des smartphones sont relativement bien adaptés aux photos et vidéos de petits objets tels que les insectes (macros). Les batteries et dispositifs d’enregistrement sont déjà intégrés, ils sont relativement bon marché et beaucoup de personnes en possèdent déjà.

Un guide d’utilisation de la technique a été rédigé et est disponible sur demande. Il réunit des recommandations et conditions d’utilisation d’un tel dispositif:

  • Critères de choix du smartphone,
  • Fixations possibles du smartphone dans les parcelles,
  • Réglages du smartphone. Pour des photos en rafale, nous pouvons recommander l’application «Open camera» qui est libre, gratuite et sans publicité. Elle permet de choisir librement l’intervalle entre deux photos.
    Ici, nous avons entre autres testé un intervalle de 2 secondes.

Les deux photos ci-après permettent d’avoir un aperçu de la qualité des photos (ou vidéos) que l’on peut facilement obtenir. Nous avons utilisé un smartphone Samsung (modèle : SM-G930F) acheté en 2016. Les photos originales avaient une résolution de 3984 x 2988 pixels, focale : F/1.7 ; temps d’exposition : 1/100 sec., sensibilité : ISO 80.

Figure 1 : Un piège Barber à gauche et 4 cartes de prédation à droite. On peut voir 5 types de proies sentinelles : en haut à gauche du krill de poisson, en haut à droite des œufs de la pyrale de la farine (Ephestia kuehniella), en bas à gauche des graines d’adventices : 10 petites graines de la pensée des champs (Viola arvensis) et 10 grandes graines allongés de vulpin (Alopecurus myosuroides) et en bas à droite 10 pucerons verts du pois (Acyrthosiphon pisum). La photo a été prise une dizaine de minutes après l’installation des cartes.
Photo : Helmut Meiss.

Figure 2 : La même scène photographiée 30 minutes après la première photo Fig. 1, donc environ 40 minutes après l’installation des cartes.
Photo : Helmut Meiss.

En comparant les deux photos (Figs. 1 et 2) on voit que les œufs d’Ephestia kuehniella, le krill de poisson et les pucerons ont été déjà bien consommés (mais pas encore les graines d’adventices), et ce après moins d’une une heure d’exposition, et on observe beaucoup de carabes dont certaines sont en train de consommer des proies sur les cartes.

Une telle méthodologie s’avère donc complémentaire à de dispositifs tels que le «Pi-Scope», qui permet de prendre des photos la nuit. Par contre, le Pi-Scope n’est pas directement accessible sur le marché et doit être assemblé et programmé par l’utilisateur.
Le dispositif plus simple et peu coûteux (un smartphone d’il y a 5 ans, sans carte SIM) peut permettre à des conseillers agricoles et agriculteurs d’apprécier l’activité de régulation naturelle des ravageurs (et de graines d’adventices) directement dans des parcelles agricoles et d’identifier les groupes d’organismes qui participent à ces services.
Alors un peu de krill de poisson ou d’autres proies sentinelles collés sur du simple papier de verre, et à vos smartphones… !

Contacts: et , Université de Lorraine
Crédits photos: Helmut Meiss

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